L'if semble tout particulièrement présent dans les cimetières de Normandie, dont ceux de l'Eure. A cela, deux explications prévalent.
La première veut que l'if, fortement toxique, a progressivement été chassé des zones agricoles et notamment des haies de bocage, pour trouver une place privilégiée dans des lieux où normalement les bêtes ne venaient pas paître, soit les cimetières. Car l'ingestion d'if par les bêtes conduisait à leur mort très rapide par arrêt cardiaque. Dans un même temps, cela a permis de conforter le fait que le cimetière, espace enclos autour de l'église et donc consacré, ne devait pas être assimilé à une zone de pâture protégée puisque clos de murs.
En effet, et c'est la seconde explication, l'if est présent dans les cimetières car une croyance ancienne associait l'if à l'immortalité du fait de sa longévité et de son caractère sempervirens, qui était sans doute plus visible pour les anciens. Le feuillage de l'if était également appréhendé comme permettant de chasser les odeurs nuisibles très présentes dans ces espaces.
Malgré tous les exemples qui vont suivre, force est de déclarer que l'if est un arbre de type conifère dont la croissance est faible. Or, les sujets dont nous allons parler ont été principalement plantés dans les cimetières de l'Eure entre le Moyen-Age et la Renaissance, ce qui leur confère plusieurs centaines d'années, une hauteur d'environ 15 à 20m et une circonférence de 5 à 10m. C'est d'ailleurs grâce à leur circonférence que l'on peut avoir une idée de l'âge des ifs, ainsi, une circonférence de 10m peut avoir un âge dépassant les 1000 ans.
Certains expliquent que les ifs étaient plantés de manière privilégiée près des porches des églises et force est de constater que c'est effectivement souvent le cas. Cela conduit à ce que les tombes des curés se trouvent sous l'ombre des ifs. Ils leur assurent en retour parfois un certain oubli, gage de leur pérennité. Les ifs sont aujourd'hui souvent solitaires dans les cimetières et l'on trouve trace parfois de deux ou trois sujets plantés depuis le 17ème ou 18ème siècles. Et si les tempêtes ou les déformations peuvent conduire à leur disparation, les municipalités sont nombreuses à en replanter, car l'if participe de l'atmosphère paisible d'un cimetière. Suite aux travaux du botaniste normand Gadeau de Kerville, de nombreux arbres ont été classés en tant que sites. S'ils disparaissent, la protection demeure. De fait, il peut être intéressant de replanter un nouvel if pour conserver ce patrimoine vivant.
Tous les ifs n'ont pas la même silhouette et si celle-ci est liée au temps qui passe, elle est aussi le fait d'interventions de l'homme lors des travaux de coupes. En plus de marquer les paysages, leur forme nous donne également un bon indice de leur état de santé. Il est possible de mettre en avant la forme du houppier présentant une forme de pyramide, la qualité de la densité du feuillage, la présence de charpentières... Voici quelques conseils,
L'if est composé d'un tronc, de branches charpentières (les plus importantes) et du houppier (ensemble de la ramure) qui, composé des feuilles en formes d'aiguilles plates, opère la photosynthèse.
Attention à enlever le lierre qui grimpe et à supprimer le bois mort de petite section.
Durant la croissance de l'if, il faut opérer tous les 5 à 10 ans des tailles de formation permettant de structurer l'arbuste et de lui faciliter une poussée équilibrée. Retenons que la taille de ce type d'arbuste est le fait de professionnels quand l'objectif est d'obtenir un sujet capable de survivre au temps.
Pour les sujets déjà anciens, si une charpentière commence à se développer de manière trop importante, cela peut conduire à ce que l'if soit déséquilibré. Il est alors nécessaire de prendre conseil auprès d'un professionnel pour opérer une coupe
Après une coupe, l'if va être amené à produire des rejets appelés « gourmands ». Il faut les surveiller car, s'il est positif que l'arbuste produise plus de sève, il ne faut pas que la sève irrigue moins le reste de l'if. Par contre, il est important, qu'après leur abattage, les rejets existants autour du tronc soient préservés car le successeur de l'arbuste abattu est sans doute déjà là.
Si les racines sont mises à nu, il est préférable de mettre 5 à 8cm de mulch, terreau ou compost. Il est faut éviter le piétinement autour de l'arbre. Attention également à ne pas imperméabiliser les abords des racines lors de la réfection des allées du cimetière par exemple.
Dans le cas où l'if a été haubané, il faut bien sûr que les haubans ne soient pas faits de chaînes ou de simples cordes (à moins de provoquer des blessures dans l'if) et surtout faire vérifier que la tension des sangles.
De nombreux ifs sont creux en leur centre, cela ne présente pas de risques importants mais il faut surveiller leurs dimensions. Souvent, les creux sont occupés par des statues de saints ou de la Vierge Marie.
Quelques ifs de l'Eure - France Poulain