Les murs extérieurs de certaines églises de l'Eure portent la trace d'une pratique populaire ancienne : celle des clous de dévotion plantés par les croyants directement dans les pierres constituant les murs ou bien encore dans les poteaux des porches.
La pratique voulait qu'on les plantait au plus près du choeur après les avoir frottés sur le malade pour demander une guérison ou remercier d'une guérison; on « clouait le mal ». Doit-on y voir un lien avec la notion des malades « cloués au lit » ou au terme « clou » utilisé par les barbiers-chirurgiens dès le Moyen-Age pour qualifier les abcès et les furoncles ? Ainsi, Charles V édicte ainsi un Edit en 3 octobre 1372 où il reconnaît le droit pour les barbiers « de panser de curer et guérir toutes manières de clous, boces, apostumes et plaies ouvertes en cas de péril et autrement si les plaies n’étaient mortelles sans pouvoir en être empêchés par les chirurgiens ou mires jurés » et « à fournir aux sujets du roi des emplâtres et autres médicaments pour guérir les plaies, clous et tumeurs ».
Le lien entre les clous et ceux ayant servi à crucifier le Christ sur la croix semble relativement évident mais comme de nombreuses pratiques « païennes », il n'existe pas d'explications écrites. Dans les Homélies sur le Cantique des cantiques, 83, 4-6, on peut lire : " J’ai commis quelque grave péché : ma conscience se trouble, mais elle ne perd pas courage, puisque je me souviens des plaies du Seigneur, qui a été transpercé à cause de mes fautes. Rien n’est à ce point voué à la mort que la mort du Christ ne puisse le libérer. (…) Pour moi, ce qui me manque par ma faute, je le tire hardiment des entrailles du Seigneur, car la miséricorde y abonde, et elles sont percées d'assez de plaies pour que l'effusion se produise. Ils ont percé ses mains, ses pieds, et d'un coup de lance son côté. Par ces trous béants, je puis goûter le miel de ce roc et l'huile qui coule de la pierre très dure, c'est-à-dire goûter et voir combien le Seigneur est bon. Il formait des pensées de paix et je ne le savais pas. Qui, en effet, a connu la pensée du Seigneur ? Qui a été son conseiller ? Mais le clou qui pénètre en lui est devenu pour moi une clef qui m’ouvre le mystère de ses desseins. Comment ne pas voir à travers ces ouvertures ? Les clous et les plaies crient que vraiment, en la personne du Christ, Dieu se réconcilie le monde. Le fer a transpercé son être et touché son cœur afin qu’il n’ignore plus comment compatir à mes faiblesses. (…)".
Tout au plus, peut-on considérer qu'il est important de préserver les pièces de pierre ou de bois qui les abritent et, si leur remplacement est nécessaire, à les conserver et à les mettre en valeur.
Rmq : Les clous de dévotion sont également appelés « clous votifs » ou « clous d'intention ».