Les anciennes carrières sont des lieux à risques. Le risque d'effondrement existait déjà pendant l'extraction mais il était (plus ou moins) contrôlé ou anticipé par les personnes qui en avaient la responsabilité. Les carriers mettaient en place des structures pour remplacer les piliers affaiblis ou manquants et surveillaient ce qui se passaient. Les récits sont nombreux des carriers décédés pendant leur activité car, durant l'extraction, une poche d'argile non visible ou une faille non détectée font s'effondrer tout un plateau d'un seul tenant. Les ouvriers étaient alors pris au piège et ne pouvaient en ressortir vivants.
Ce risque lié aux périodes d'extraction n'existe plus dans l'Eure, mais lorsque les carrières ne sont plus en activité, il ne reste alors plus que le risque.
Le risque correspond à la chute d'une partie ou de la totalité du ciel lorsque l'on est dans la carrière. Ici, à Caumont, le bloc effondré fait environ 3 mètres de côté et a chuté d'environ 10 mètres de haut. Le caractère récent de la chute (quelques jours lors de ma visite) était très visible de par la couleur blanche immaculée de la pierre et a été confirmée par les spéléologues qui connaissent bien le secteur. La décohésion du bloc de l'ensemble est favorisée par des périodes de fortes pluies, de gel-dégel rapide... car tous ces phénomènes météorologiques conduisent à ce que les sols soient en mouvement. Le cisaillement est augmenté et les fragilités dues aux fissures augmentent.
Mais le risque n'est pas uniquement lié à l'effondrement du ciel, mais aussi à la falaise lorsque l'on est en extérieur. Ce risque peut être augmenté par des activités humaines, comme ici à Port-Mort où des personnes ont bêtement abîmé les piliers qui soutiennent le massif.
Le risque existe aussi ici à Beaumont-le-Roger, même si nous ne sommes plus en Vallée de Seine. Il existe tout simplement parce que les différents habitants qui se sont succédé sur le site ont utilement le matériau directement disponible pour édifier leurs habitations. Cela a souvent été accéléré dans la période moderne car les habitants, souvent plus mobiles et venant d'autres lieux, n'avaient pas la mémoire des risques inhérents à ces sites d'extraction. Ils ont alors creusé la falaise pour augmenter leur jardin ou leur carrière arrière et par-là même ils ont augmenté le risque.
Il est nécessaire de réaliser des observations fréquentes des sites, notamment si une activité humaine (promenade, habitation, loisirs...) s'y déroule à proximité car les chutes peuvent être importantes. Bien sûr, ces chutes se font « sans prévenir » mais une bonne observation permet toutefois de repérer des clivages dans des roches, des fissures importantes ou des zones décohésionnées. Cela n'est pas possible pour les structures karstiques puisque ce sont des poches de dissolution remplies d'argiles à silex qui peuvent créer des vides sans que cela puisse se voir de l'extérieur. Pour autant, et à moins que des vies humaines soient en jeu, il n'est pas nécessaire de mettre en place des mesures visant à réduire le risque en faisant s'ébouler les falaises de manière artificielle. Il est préférable de mettre des périmètres de sécurité et de les faire respecter en gardant à l'esprit que la distance minimale est de D = H/2 et que la meilleure est D = H. (D étant la distance d'éloignement et H la hauteur de la paroi)
Cela veut-il dire pour autant que l'extraction n'a plus d'avenir ?
La réponse est plurielle, car si la prise de risque liée à l'extraction par des galeries souterraines pour en extraire les meilleures couches n'est plus d'actualité, il est toujours possible d'utiliser la technique de la carrière à ciel ouvert. Il s'agit tout simplement de décaisser progressivement les versants pour atteindre les lits intéressants de pierre.
Les parties déblayées sont à la fin remblayées selon un talus à 45°; pente qui est celle que la falaise serait amenée à retrouver de manière naturelle. En effet, le calcaire est bien trop fragile pour conserver une verticalité parfaite. Les falaises que nous voyons sont toujours actives et le ruissellement progressif, le grossissement des racines, les activités comme l'escalade où des piquets sont plantés dans les parois... tout ceci contribue à fragiliser les falaises.