Travailler sur les habitats de loisirs entraîne parfois bien plus loin qu'on ne peut le penser. C'est ce qui s'est passé avec les études que j'ai pu mener sur les caravanes et autres habitats de plein air, détournés de leur usage premier, et utilisés dans des espaces de type délaissés routiers ou ferroviaires ou bien encore des bois afin de pouvoir rendre habitables des lieux qui ne l'étaient pas.
Il n'est plus ici question de parler de camping mais de campement. Cette distinction sémantique est fondamentale car il n'existe plus de relations avec une quelconque activité de loisir dans les quelques pages qui suivent. Les personnes qui sont amenées à se trouver dans des campements sont guidées par la survie et non par la recherche d'une compensation rendue nécessaire par une vie de travail.
Notons par ailleurs que si des habitats de loisir peuvent être occupés par les familles qui se retrouvent dans ces lieux, c'est en partie parce que les caravanes ont été construites et vendues à plus d'un million d'exemplaires qu'il est possible aujourd'hui de trouver de vieux modèles à quelques centaines d'euros.
Cela permet également d'occuper des espaces dont les usagers ne sont ni loueurs, ni propriétaires. Ce sont des occupants sans titre. Il est important de noter que les grands rassemblements tels que ceux de Nanterre dans les années 1960 ne sont plus d'actualité. La pratique des bidonvilles ou des campements s'est complexifiée avec une fragmentation de l'occupation spatiale en trois catégories.
La première conduit à ce que les espaces occupés sont de dimensions parfois modestes et n'accueillent que quelques habitats comme cela peut être le cas de certains délaissés routiers ou sous les ponts. Cette occupation est assimilable à un remplissage de tous les espaces laissés vides au sein du tissu urbain. Les personnes demeurent longtemps dans ces espaces qu'elles s'approprient progressivement. Elles tentent en même temps d'être le moins visible possible, mais sont parfois repérables lorsque l'on voit la ville à l'envers, comme c'est le cas lorsque l'on prend le train ou le RER par exemple. Ce que le voyageur peut voir de sa fenêtre correspond à l'envers de la ville, aux jardins des maisons pavillonnaires, aux parkings et aux espaces sous les ponts ou autres. Les personnes qui se dissimulent ainsi ne sont pas visibles par le côté façade « avant » de la ville mais par la façade « arrière », même si la vitesse liée au train rend souvent complexe le repérage réel de ces occupants. En effet, il est souvent difficile de détecter des caravanes sous un pont lorsque l'on circule sur le réseau routier.
La seconde entraîne des regroupements pouvant être un peu plus importants et ressemble à des camps d'accueil pour immigrés regroupant plusieurs dizaines de caravanes. Ils se trouvent alors à la périphérie des villes et sont souvent plus connus que la première catégorie tout simplement parce qu'ils sont plus visibles et que les problèmes de salubrité, d'hygiène ou de sécurité se posent pour plus de personnes que dans la première catégorie. C'est la catégorie qui est la plus assimilable à la terminologie de bidonvilles.
Et si les deux premières catégories se trouvent localisées en zone urbaine, il n'en est pas de même pour la troisième catégorie qui est liée à l'occupation de zones naturelles comme les bois. Néanmoins, on constate que si les occupations ne se font plus en zone urbaine, les bois qui sont occupés sont quand même situés dans les périphéries proches des agglomérations à l'exclusion des forêts parcourues par les forestiers, les chasseurs et les touristes. Ce sont souvent des espaces relativement modestes où aucune activité forestière (exploitation du bois, tourisme...) n'existe.
Le passage du camping au campement indique également la limite de ces quelques paragraphes, car ce qui est problématique ici est non l'utilisation qui peut être faite des habitats de loisirs mais que ces occupations sont disséminées, qu'il est parfois difficile de repérer ces personnes qui vivent dans des conditions indignes et que les solutions ne sont pas liées réglementairement à la question du camping mais plus globalement à celles traitant de la résorption de l'habitat indigne sous toutes ses formes.